Dans la lumière
Ouf, in extremis, j'ai réussi à relever le défi et à terminer la lecture de mon deuxième roman pour les Matches de la Rentrée Littéraire Price Minister !
Rappelez-vous, le premier, c'était Esprit d'hiver de Laura Kasischke.
Et le second, c'est Dans la lumière, de Barbara Kingsolver, éd. Rivages.
Dellarobia en a marre de son mariage, marre de sa petite vie minable, marre d'être coincée entre ses beaux-parents et ses enfants, entre les traites à payer et les dimanches à l'église. Alors qu'elle s'apprête à tout envoyer valser, un matin de novembre gris et sans forme, elle est coupée net dans son élan par un spectacle incroyable, inexplicable, beau à vous retourner les tripes : dans une vallée, les arbres sont recouverts de millions et de millions de papillons aux ailes orangés qui allument au coeur de la grisaille un brasier surnaturel.
Après avoir vu cette image, rien ne sera jamais plus pareil pour Dellarobia. Renonçant à son projet, convaincue qu'un spectacle pareil ne peut être anodin et lui envoie forcément un message, elle va le faire découvrir à sa communauté et se retrouver bien malgré elle au coeur d'une bataille médiatique et scientifique d'une ampleur inattendue. Mais entre ses aspirations personnelles et les compromis qui ont toujours rythmés sa vie, le plus difficile pour elle sera sans doute de décrypter ce message, pour enfin choisir la bonne voie.
Roman psychologique d'une part, fable écologique et leçon politique de l'autre, il est bien difficile de classer ce roman dans une catégorie. De même que son protagoniste principal, Dellarobia, que l'on a parfois envie de secouer avec férocité et qui l'instant d'après est à deux doigts de vous tirer des larmes. Et que dire de l'intrigue "écologique" de l'histoire ? Ces papillons à la migration détraquée qui risquent la survie de leur espèce en changeant un parcours immémorial ? Les changements climatiques qui s'affichent sous le nez de toute l'espèce humaine mais que chaque échantillon d'être humain s'applique à nier ou à déformer pour satisfaire ses besoins immédiats, pour ne pas céder à la panique, pour ne pas sortir de sa classe sociale ou ne pas décevoir les attentes que d'autres ont placé en lui ?
Je dois avouer que j'étais un peu déçue par certains aspects du roman, notamment sa lenteur et les atermoiements des personnages. Pour avoir adoré deux des livres précédents de Barbara Kingsolver, L'Arbre aux haricots et Les Cochons au paradis, je m'attendais à quelque chose de plus rythmé, de plus loufoque et surtout de plus optimiste. Mais finalement, peut-être que cette lenteur et cette valse-hésitation des personnages correspondent mieux au sujet, ou plutôt aux sujets du roman : ce qui nous pend au nez en matière de climat et de catastrophes climatiques, et la difficulté pour une personne de reprendre sa vie en main en sachant que secouer la médiocrité qui la paralyse ne se fera pas sans dommages collatéraux.
J'ai également été touchée par la description de la vie dans le fin fond d'un état rural américain, les difficultés économiques auxquelles sont confrontées ses populations, et tout ce qui en découle en terme d'éducation, de culture, etc. J'ai notamment été secouée par la scène qui se passe dans le magasin où Dellarobia et Cub se rendent pour les courses de Noël ...
Pour conclure, je dirais qu'au niveau de l'évaluation (puisque je suis sensée donner une note à ce titre), ce titre pâtit aussi de la comparaison avec la froide perfection de celui que j'ai lu juste avant. Cela donne d'ailleurs le vertige de se dire que les personnages de ses deux romans contemporains vivent dans le même pays à la même époque, quel grand écart ... les USA sont décidément doués pour les contrastes douloureux ...
Je lui donnerais une note de 15/20. Mais ce n'est bien sûr pas une mauvaise note, et je vous invite chaleureusement à lire ce titre qui touche plus d'une corde sensible et vous fera réfléchir à deux ou trois petites choses essentielles dans la vie ...